Le Mexique - Chapitre XVIII : Histoire d'une Lettre Voyageuse

Le récit qui suit n'a de vrai que le temps de voyage entre le départ en France et l'arrivée dans le sud du Mexique. Tout le reste n'est que pure fantaisie ou divagation, appelez cela comme bon vous semble.

C'est par une froide journée du mois de janvier que la petite lettre quitte la chaleur d'un foyer familial en France pour expérimenter pour la première le froid puis la joie et l'anxiété d'un premier vol vers une destination de rêve, Cancun, au Mexique.

Son départ d'un bureau de poste d'une lointaine contrée française se passe sans encombre, le timbre est collé, le prix est payé, l'adresse est bien notée, direction l'aéroport avec beaucoup d'autres lettres. Un peu à l'étroit, deux jours plus tard elle va commencer son aventure mexicaine. Tout au plus cela devait durer 5 jours, mais c'est alors que commença son aventure.

S'il faut savoir une chose, c'est que dans certaines villes les timbres sont bien plus gros qu'en France, alors quand une lettre française arrive au Mexique elle doit se sentir bien nue à coté des lettres mexicaines. Imaginez donc ce qui suit pour la pauvre lettre avec son mini timbre.

Première observation à l’œil nu, l'employé un doute, il faut demander au chef ce qu'il en pense, mais il en a beaucoup des comme ça, alors le temps passe. Puis, deux jours plus tard, lui-même incertain, il décide de le transmettre au laboratoire des postes pour avoir une expertise. Pas de chance, la lettre est passée par DF mais le seul labo d'expertise des postes se trouve à Monterrey, du coup, il faut l'envoyer en courrier éco, parce que c'est vraiment pas sur qu'il y ait un timbre et donc, faudrait pas aller trop vite sinon si le timbre, -faut-il encore qu'il y en ait un-, est rayé, ben c'est mort, donc doucement mais surement. 

A Monterrey, les experts analysent la lettre, il lui font une IRM pour savoir où pourrait se trouver l'anormalité d'un supposé timbre. L'IRM ne révèle hélas rien; rayons X, nous somme déjà à trois semaines, -comprenez,c'est sérieux-. Effectivement, il semble qu'il y ait un timbre. Bon maintenant, qu'il est localisé, il faut le passer sous un microscope pour le faire grandir et s'assurer de son authenticité. Coup de chance pour elle, ils n'ont pas eu de doute, ils la dépose dans le dossier courrier qui peut être envoyé, mais c'est le Mexique, hein, ils vont l'envoyer "ahorita"*... deux semaine plus tard, on peut enfin la renvoyer avec son certificat à DF, oui parce qu'il ne faut pas interrompre le parcours, donc on la renvoie au bureau de post qui a demandé l'expertise, mais en mode éco, ils ont mis tout le budget pour l'expertise. 

Arrivé au bureau, enfin, ils peuvent envoyer la lettre mais problème : ce sont des lettres françaises et un alphabet français, il faut trouver le postier Champaleón qu'ils nous décrypte tout cela... il y arrivera sous trois jours. C'est un bon délai, normalement ce sont 10 jours. Il décrypte, il décrypte, mais il lui faut une copie de la Pierre de Rosette pour être sûr de ne pas se tromper. Une semaine et 2 jours. toutes les lettres sont déchiffrées, maintenant il faut composer les mots... mais ce n'est pas son travail, alors la lettre va rencontrer un autre collègue. Sa spécialité : la grammaire espagnole. Aidé du document de l'autre postier, il reconstitue l'adresse en seulement un jour et demi, quel exploit. La lette si elle avait eu des sentiments, aurait pu se sentir chanceuse. On peut enfin l'envoyer.

Mais l'infortunée personne chargée de trier le courrier vient de commencer et n'a jamais entendu parler de Quintana Roo, et pour elle, Cancun, c'est aux Etats-Unis (ben oui, sinon pourquoi il y aurait autant de jeunes Etats-Uniens là-bas pendant le Spring Break?). Bon ben, on attend que le collègue revienne de sa pause et "ahorita on lui demande où c'est. Pauvre personne ! Etant si préoccupée par cette étrange lettre qui arrive de si loin, elle se met à rêver et en oublie de continuer le tri des autres courriers en attendant. Ce sont 2 heures de travail par minutes de lettres non triées de perdues... et bien sûr, notre cher lettre souffrira de ce retard aussi. Le collègue est arrivée et le courrier peut enfin partir. 

Hélas, le sac est mal fermé, et la pauvre lettre, va attendre au fond d'une voiture des jours et des jours... jusqu'à ce qu'un postier consciencieux du côté de Oaxaca se rende compte qu'elle est là, triste désireuse de rejoindre son destinataire. Alors, le jeune postier la ramène à son bureau de poste et s'assure personnellement qu'elle arrive enfin dans le bon Etat par route bien évidemment, lui non plus n'a pas le budget. Et c'est ainsi qu'après un roadtrip centre-nord-centre-sud-ouest-sud-est en classe éco, la carte trouve enfin les mains heureuses et peut-être blasées de son destinataire, près de deux mois et demi plus tard.

Histoire d'une Lettre voyageuse, Editions Divagations Sin Sentidos, 12 avril 2015.

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