La Réunion mon ti péi

La première fois que j'ai mis les pieds à La Réunion, j'avais, il me semble, trois ans. Je n'en garde pas grand souvenir. Ce dont je me souviens vaguement, c'est une impression d'avoir été à l'école là-bas, peut-être seulement quelques jours, avec cette maîtresse, si méchante qui m'appelait "Petit papillon d'un jour". Je souviens aussi d'être descendu assis sur le skate de mon oncle une pente devant chez mémé Roseanne. Je me revois jouer avec mon cousin devant une case, peut-être celle d'un grand oncle, mais peut-être n'était-ce qu'un rêve emprunt de réalité. A part cela, je ne me souviens de rien.

Ainsi, sans jamais avoir vraiment connu la Réunion, je me suis toujours senti Réunionnais. Le séga, le maloya, je ne les dansais pas, et je ne les danse d'ailleurs toujours pas, mais j'ai grandi à leur rythme, dans la voiture surtout... Cari poulet, rougail saucisse, cari thon, rougail morue, bred chouchou, bred morelle, samoussas, bouchons... Sans oublier le parler créole... Bien sûr, il arrivait que mes parents parlassent français aussi, mais une chose est sûre, c'est qu'en colère, c'était en créole, et encore aujourd'hui (rires). Pendant treize ans, je n'ai connu la Réunion qu'ainsi, et à travers les quelques photos-souvenirs de mes parents. Parfois, un peu de la Réunion venait à nous, grands-parents, oncles, tantes, cousins-cousines qui venaient nous rendre visite, ou encore des colis, ah les fameux colis, les t-shirts à l'odeur de boucané, les saucisses péi, le boucané, les bonbons-miel, la papaye confit de mémé Roseanne, les cravates (je parle bien de gâteaux, non pas de vêtement), le colle-aux-dents, les pois d'cap, le safran de tatie Marie-Reine, les solpaks, les caprisuns, les litchis, les mangues... et bien sûr les bandes auto-collantes pour la voiture, ou encore les savates... les savates, qu'est-ce que je n'aimais pas en porter à l'époque...

2005, l'année que je considère comme celle où je fus allé pour la première fois sur cette île que je rêvais de connaître. Je dis la première fois car c'était la première fois que j'y mettais les pieds en étant conscient et capable de me souvenir des paysages, des visages, des parfums,... A peine sorti de l'aéroport, je fus très impressionné. Le paysage semblait tellement plus coloré que le paysage marseillais. Cette année-là, je mettais pour la première fois des noms sur des visages de cousins ou d'oncles, de grands-parents,... dont je ne connaissais jusqu'alors que la voix au téléphone, voire que le nom. Deux mois à découvrir la vie sur l'île, à découvrir la famille au sens large. C'est vrai jusqu'alors ce n'était que nous à Marseille, Tonton et les cousins de Paris qui venaient en été. Cette année-là j'ai découvert ce que c'était de pouvoir dire aller se baigner à la plage en hiver sur le front de mer de Saint-Pierre, où sur les plages de sable noir de l'Etang-Salé. Été 2005 (en métropole), hiver austral 2005 sur place, c'était aussi la chasse aux Gouzzous de Jayce. Ces bêtes jaunes qui ont suscité curiosité et fascination pour certains, dégradation et incivilité pour d'autres, ou encore art et originalité pour les amateurs.

La fameuse maison, La Bretagne,
Ile de la Réunion
Saint-Denis by night,
Ile de la Réunion
2010, le deuxième voyage, cette fois, je ne voulais pas attendre 13 ans de plus pour un séjour. Il y avait aussi un peu d'orgueil, je ne voulais pas qu'on se souvienne de moi comme le gamin de 16 ans, ni comme un vieux croutons. 21 ans, c'était un bon choix. Le séjour avait une autre saveur cette fois-ci, ce fut l'été du Chat-Botté.  - Mais qu'est-ce qu'il raconte encore ? - Cet été/hiver (selon le point de vue) je travaillais un mois dans un centre aéré à Saint-Denis, en même temps j'étais gardien de maison pour des amis de la famille, quelle maison ! Une des plus belles qu'il m'ait été donné de voir. J'y ai vécu de belle frayeurs dans cette villa qui surplombe Sainte-Marie. Un soir, une bagarre de chat qui résonna dans le salon alors que régnait le silence. Sursaut garanti. Bruit de respiration artificielle dans la chambre ! 21 ans et si peureux ! Mais allez-y vous passer une nuit danscette villa, très belle et moderne dans le style créole et colonial, dans une zone où quand à 17h tombe la nuit, c'est le noir complet. Sur une île, où croyance et superstitions, histoires bizarres de magie et de fantômes sont vraisemblables tant il y a de témoignages... Mais je ne regrette pas (cette respiration artificielle avait une raison "scientifique" ou plus exactement technique) ces nuits à attendre le jour. Et le deuxième mois, c'était de nouveau en famille. Contrairement à la première fois, on m'avait prêté une voiture, même deux, et c'était très simple pour circuler. Mentionnons aussi que les filles là-bas n'ont rien à envier aux métropolitaines. le métissage est une valeur de la Réunion, qui se voit, qui se vit et se ressent.

Caméléon
Ce même été, j'ai énormément réfléchi à rester vivre à la Réunion, c'était si tentant, mais heureusement, mes oncles et tantes m'ont fait réfléchir longuement sur les avantages et les inconvénients. Je dirais même que quelque part, indirectement peut-être, ils m'ont incité à retourner en France. Je pense que je ne leur en serai jamais assez reconnaissant. Peut-être un jour voudrai-je retourner là-bas pour y vivre, mais pour le moment, la Réunion, c'est vacances ! Qu'est-ce qui m'a amené à penser cela, alors qu'à la fin de l'été 2010 je voulais tellement y rester ? C'est mon sentiment européen. Après être retourné vivre à Séville, j'ai commencé à me sentir plus Européen. Alors, tout était plus clair, la Réunion est trop petite pour moi, en un sens. Les possibilités de se déplacer sont vite restreintes alors que l'Europe, ce sont des langues, des pays, des cultures, des possibilités de déplacement et d'enrichissement personnels inimaginables. Je ne réduis pas l'importance de la culture réunionnaise non plus, c'est une partie de moi, que je garde, que je chérie, que je revendique encore et toujours.

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